(table ronde: Paris, INHA, 17 décembre 2009; responsables
scientifiques: C. Pouzadoux et
É. Prioux)
Claude Pouzadoux (Paris Ouest / CJB Naples USR 3133)-Évelyne
Prioux (CNRS, UMR 7041 équipe ESPRI) Autour du conflit troyen : Hélène et Troie avant et
après l'Iliade d'après la céramique italiote et
l'œuvre de Lycophron
À travers cette confrontation entre la céramique italiote
et l'Alexandra, nous nous proposons de rechercher les éventuelles
convergences entre un corpus d'images datant du IVe
siècle avant
J.-C. et un poème dont il faut peut-être situer la
composition au début du IIIe siècle avant J.-C., mais qui
pourrait témoigner d'une tentative de réélaboration
de la matière mythologique en partie inspirée par
l'actualité politique de la deuxième moitié du
IVe
siècle avant J.-C. Dans un précédent travail, nous
avions montré que l'une des convergences les plus frappantes
entre le texte et les images tenait à la présentation qui
était donnée, dans les deux corpus, de l'histoire des
rapports entre Europe et Asie. La question qui nous intéresse
plus spécifiquement aujourd'hui est celle du traitement de la
matière troyenne et de sa réélaboration dans les
deux séries: l'émergence du conflit troyen et l'histoire
des sacs de Troie constituent en effet des événements
saillants du conflit séculaire entre Europe et Asie qui, au
tournant des IVe et IIIe siècles, pouvaient aisément se
prêter à une réélaboration inspirée
par des événements historiques récents comme les
conquêtes d'Alexandre. à travers l'exemple de la
matière troyenne, nous souhaiterions analyser la
présentation des liens familiaux (liens
générationnels et relations de sungheneia) et des
relations entre les hommes ou entre les hommes et les dieux. Les figures
qui retiendront plus spécifiquement notre attention sont celles
d'Hélène, d'Aithra et d'Hésione. Il s'agira
notamment de voir si la présentation que le poème et les
images nous donnent des liens familiaux, de la société et
de l'ordre du monde se signale, dans ces différents mythes, par
des particularités signifiantes. Nous nous efforcerons ainsi de
voir si les rapprochements que ces deux corpus créent entre tel
et tel mythe ou telle et telle figure permettent, en renforçant
la signification historique de certains épisodes mythologiques,
de suggérer un discours sur l'histoire du monde.
Christophe Cusset (ENS-LSH Lyon)-Pascale Linant de Bellefonds (CNRS, UMR
7041, équipe LIMC) La figure très hellénistique d'Iphigénie dans
l'Alexandra de Lycophron - quels parallèles dans l'iconographie
?
La figure d'Iphigénie peut être qualifiée ici de
« très hellénistique » dans la mesure
où elle offre des caractéristiques historiques
susceptibles de retenir l'intérêt de poètes
érudits attentifs aux curiosités mythologiques et amateurs
de variations. En effet, en dépit de ce que pourrait nous laisser
penser une vision a posteriori de l'histoire, pour un poète du
IIIe siècle, la figure d'Iphigénie est encore objet
d'interrogations et d'incertitudes à plus d'un titre. Plusieurs
éléments dans le « mythe » d'Iphigénie
posent problème: son nom et sa généalogie, les
circonstances et le déroulement de son sacrifice au départ
de l'expédition des Achéens, et enfin son devenir
après cet événement inaugural. Or, ce sont
précisément là des sujets d'interrogation dont les
poètes du Musée d'Alexandrie sont friands. En outre, en
tant que première victime exemplaire de l'expédition des
Grecs contre Troie, Iphigénie a tout lieu d'intéresser
vivement les prophéties de Cassandre et d'occuper dans le
poème de Lycophron une place de choix: Iphigénie
présente un destin qui a tout lieu de satisfaire la jeune
Cassandre qui peut dans une certaine mesure trouver en Iphigénie
un pendant grec à ses propres malheurs de victime troyenne de
l'expédition des Achéens contre Troie. Nous essaierons
donc de voir quel traitement précis est accordé par
Lycophron à la figure d'Iphigénie dans son
Alexandra et
quelles particularités sont mises en évidence par le
poète alexandrin, à côté de la « norme
» que représentent les tragédies d'Euripide dans le
traitement littéraire du mythe. Nous nous demanderons ensuite si
les choix de Lycophron trouvent un écho dans les
représentations figurées.
Antonella Marandino (Rome Tor Vergata) - Eliana Mugione
(Università degli Studi di Salerno) Uccisioni sacrificali e rappresentazioni del grottesco in Licofrone e
nella documentazione iconografica magnogreca
Giulia Biffis (doctorante en histoire grecque, Londres UCL) In search of an iconographic confirmation for the ritual of the Daunian
virgins (Alex. 1126-1140)
According to Lycophron's description of the ritual conducted by the
Daunian virgins to escape from unwanted marriages, the girls would dress
like the Erinyes, with dark clothes and red make-up. They would embrace
the statue of Cassandra as a way of refusing their young suitors, who
are said to have had "Hector"-style haircuts. As there is no other
source that mentions this rite, we wonder if there is iconographic
confirmation of the rite itself, or at least of the detailed and
striking description that Lycophron gives of its protagonists. Bearing
in mind that iconography does not provide an exact photograph of
cultural information, but codifies it according to its own language, we
examine all the possibilities, looking for no more than a non-exact
relationship between what is described by Lycophron and representations
originating from Apulian territory. Lastly we consider the possibility
of a connection between the description of the Daunian virgins with
the votive terracotta figures from the sanctuary of Alexandra/Cassandra
worshipped at Amyklai (Laconia), given that it is the only other place
where the cult of the heroine is attested.
Mauro Menichetti (Università degli Studi di Salerno) Cassandra e le fanciulle, in Daunia. Il racconto di Licofrone e il
racconto delle immagini
Sebastien Barbara (Université Charles de Gaulle - Lille
3) La violence lycophronienne au miroir des arts figurés de l'Italie
ancienne
L'Alexandra n'a évidemment pas, dans la littérature
antique, le monopole des allusions à des épisodes
sanglants, mais, pour des raisons littéraires évidentes,
la prophétesse de Lycophron enchaîne les scènes
brutales dans sa monodie ce qui aboutit à une concentration tout
à fait inédite de la violence. Nous nous proposons donc de
dégager la typologie de ces scènes de violence et d'en
étudier quelques-unes particulièrement importantes pour la
réception des images dans l'Italie ancienne. Même si les
thèmes guerriers et les mises à mort ont souvent
été privilégiés dans les arts
figurés, il nous a en effet semblé que cette
poétique lycophronienne de la violence faisait curieusement
écho aux goûts des publics de la péninsule en
matière d'images. À ceci s'ajoute que l'Alexandra est
animée par ce que l'on pourrait appeler une « dynamique
italienne », voire un « italocentrisme », - qui
s'explique certes par les sources utilisées, mais aussi sans
doute par l'origine de Lycophron - et qu'elle est traversée par
une forme de téléologie qui, sous certains aspects, se
retrouve en Italie: la toute puissance du Destin associée
à des considérations millénaristes et à une
conception cyclique du temps. Tous ces éléments concourent
à faire de l'Alexandra une œuvre entretenant des liens
particuliers avec l'hellénisme occidental et le thème de
l'affrontement entre Grecs et Barbares. On distingue finalement,
derrière les propos assurés de cette femme du passé
qui parle au futur, une grande inquiétude devant un
présent incertain.
Laurent Haumesser (Musée du Louvre) Lycophron et l'iconographie étrusque: état des
lieux
L'Alexandra est une source littéraire souvent citée dans
les études sur la reconstruction des origines mythiques de
l'Étrurie: Lycophron nous a conservé la trace de plusieurs
traditions mythologiques qui témoignent d'un intérêt
certain pour l'histoire étrusque. Inversement, comme l'ont
montré plusieurs travaux récents, le répertoire
figuré étrusque montre des affinités significatives
avec le poème. Nous nous interrogerons sur cette convergence des
représentations, en nous attachant en particulier aux modes
d'exploitation idéologique des images par les élites
étrusques au début de l'époque
hellénistique: dans quelle mesure des monuments complexes -
notamment les fresques de la tombe François de Vulci, qui
constituent un des documents les plus significatifs de cet usage savant
des traditions figurées - peuvent-elles entrer en
résonance avec le texte de Lycophron?