(table ronde: Paris, INHA, 30 mai 2008; responsables scientifiques:
É. Prioux et A. Rouveret)
Les contributions présentées dans le cadre de la
rencontre «Visions de l'archaïsme» ont
illustré différents aspects de la réception de
l'archaïsme auprès des poètes et artistes du
début de l'époque hellénistique. Ces
différentes études visent notamment à mettre en
évidence le discours d'ordre esthétique, et stylistique ou
encore la réflexion éthique et politique qui a pu se
nouer autour de l'utilisation de références à
l'archaïsme. Deux contributions se sont plus
particulièrement intéressées aux allusions que
Callimaque fait à des œuvres statuaires datant de
l'époque archaïque: Maria Rosaria Falivene s'est
penchée sur la signification des références aux
ateliers chiotes dans les Iambes, tandis qu'Évelyne Prioux
s'est intéressée au choix d'œuvres archaïques
évoquées dans les Aitia. Parallèlement
à ces deux contributions consacrées à la
représentation des statues archaïques dans la poésie
du IIIe siècle avant J.-C., Claude Pouzadoux s'est
penchée sur la nature et la signification des
éléments d'archaïsme que l'on peut repérer
dans la céramique italiote de la deuxième moitié du
IVe siècle avant J.-C. Deux études
complémentaires de Christophe Cusset et de Benjamin Acosta-Hughes
se sont intéressées pour finir aux traitements très
différents que deux auteurs majeurs, Théocrite et
Apollonios de Rhodes, ont consacrés dans leurs œuvres
respectives à la figure d'Héraclès, figure
emblématique de l'archaïsme que l'on peut donc, à
loisir, réinventer, redimensionner ou au contraire
écarter, suivant des choix qui paraissent, à chaque fois,
porteurs de sens pour qui s'interroge sur l'esthétique de ces
deux poètes. Les actes de cette table ronde seront publiés
courant 2010 dans la revue électronique Aitia. Regards sur la
culture hellénistique au XXIe siècle. [ÉP]
(table ronde: Paris, INHA, 17 décembre 2009; responsables
scientifiques: C. Pouzadoux et
É. Prioux)
L'Alexandra de Lycophron constitue une gigantesque fresque
mythologique qui, si elle est fréquemment citée, pour des
références ponctuelles par les archéologues et les
historiens n'a pas encore fait l'objet de confrontations plus
systématiques avec la documentation figurée. Il semble
pourtant pertinent de rechercher des parallèles entre les
représentations mythologiques fournies par les documents
figurés et les multiples récits de Lycophron. Un colloque
international organisé à Lyon et Saint-Étienne par
C. Cusset et É. Prioux en janvier 2007 a permis de constater
l'existence de parallèles pertinents entre le texte de Lycophron
et certains documents étrusques ou encore de mettre en
évidence la singulière convergence qui lie certaines
scènes dépeintes par Lycophron au répertoire
figuré de la céramique italiote de la fin du
IVe siècle.
Avec la journée du 17 décembre 2009, nous avons
souhaité prolonger ce travail à partir de confrontations
avec d'autres sources iconographiques, à chaque fois
menées dans une optique pluridisciplinaire par des philologues et
des historiens de l'art. Claude Pouzadoux et Évelyne Prioux ont
comparé les représentations de la préhistoire du
conflit troyen et de ses suites tant dans la céramique italiote
et dans l'Alexandra. Christophe Cusset et Pascale Linant de
Bellefonds ont comparé les scènes mythologiques impliquant
Iphigénie dans l'Alexandra et dans la documentation
figurée. Antonella Marandino et Eliana Mugione se sont
penchées sur les aspects grotesques et sur la
représentation des sacrifices humains dans le poème de
Lycophron et dans la documentation figurée de Grande
Grèce. Giulia Biffis s'est attachée au culte de
Cassandre-Alexandra et au motif des vierges dauniennes cherchant
à échapper au mariage (Alex. 1126-1140). Mauro
Menichetti a confronté ce même culte à celui impliquant
les vierges locriennes, qui, comme lui, se réfère au
modèle mythologique du rapt de Cassandre. Sebastien Barbara s'est
attaché aux images de la violence dans le poème de
Lycophron. Laurent Haumesser a proposer de confronter le mode
d'exploitation idéologique des scènes mythologiques que
fait Lycophron a celui qui est à l'œuvre dans la tombe
François de Vulci.
Les actes de cette table ronde seront publiés dans un
numéro de la revue électronique Aitia. [ÉP]
(colloque international: Paris, INHA,
17-20 mars 2010; responsables
scientifiques: M. Cojannot-Le Blanc, C. Pouzadoux et
É. Prioux)
Le colloque international L'Héroïque et le
Champêtre. La théorie rhétorique des styles
appliquée aux arts, entre modèle analytique et
schème explicatif est né d'un projet comparatiste
fondé sur la confrontation entre la période antique et la
période moderne. La comparaison, ou pour dire plus justement
peut-être la confrontation, est ici posée comme un principe
d'intelligibilité, dont la pertinence repose sur le fait que les
deux périodes sont certes différentes, mais pas sans lien.
Selon la métaphore du regard, il s'agit de prendre de la hauteur,
non pour voir flou, mais pour mieux voir. Regarder en parallèle
les périodes antique et moderne, en choisissant deux points
d'observation plutôt qu'un seul, c'est aussi se donner les moyens
de penser ce savoir comme vivant, constamment
réélaboré, aussi bien au sein de la période
antique que de la période moderne.
Pour la période antique, on sait de mieux en mieux à quel
point l'essor de la critique d'art s'est griffé sur le
développement des controverses stylistiques. Les domaines des
théories stylistiques et de l'approche critique des œuvres d'art
ont ainsi historiquement un berceau commun et des développements
parallèles. Pour la période moderne, l'usage des
catégories stylistiques ne s'impose certes pas avec la même
évidence, ni la même importance. Il convient donc de
clarifier ce que nous désignons par théorie des styles
pour cette période, en donnant d'emblée deux
précisions majeures.
Premièrement, tout ce que les antiquisants désignent
ordinairement par «style», en référence aux
catégories de la rhétorique, est majoritairement
désigné à l'époque moderne sous le terme de
«manière», tout au moins jusqu'à la fin du
XVIIe siècle. Le vocabulaire de la manière, en
Italie comme en France, est clairement issu de l'art oratoire :
manière hautement ressentie, manière suave, polie, lisse,
léchée, sèche..., y compris chez des auteurs qui ne
sont pas des lecteurs quotidiens des auteurs antiques. Le terme de
«manière»
désigne communément le rapport de l'art
à la nature, avec deux volets principaux, évidemment
fortement articulés l'un à l'autre :
a) le style de
l'artiste, sa manière, sa marque de fabrique, sa façon de
transcrire la nature (plus ou moins filtrée par sa connaissance
de l'antique) - on peut avoir la manière grande ou
chétive, selon son tempérament,
b) le lien entre un
traitement artistique et un sujet ou un type d'objet
représenté, qui nous concerne ici au premier chef.
Deuxième précision : la notion de «style»,
dans l'esprit
de nombreux historiens de l'art aujourd'hui, est peut-être
immédiatement associée à Winckelmann, Wölfflin
ou Schapiro, et aussi à une définition historiciste du
style, considéré comme l'expression d'un pays ou d'une
époque. Ce n'est pas une telle acception que nous avons retenue.
Si nous parlons de théorie rhétorique des styles
appliquée aux arts distingue, c'est bien pour distinguer
notre propos de l'approche du style privilégiée par
l'histoire de l'histoire de l'art. Nous ne poserons donc pas la question
du «style classique» ou du «style baroque».
Cela ne signifie pas que
toute mise en relation entre une période et un style soit exclue
- la question est évidemment présente dans les sources
antiques ; des lectures en ce sens ont été
proposées dans l'historiographie de l'art moderne -, mais le
style sera ici entendu comme une catégorie de la
rhétorique.
Notre projet est donc d'étudier le modèle
rhétorique comme principe d'intelligibilité de l'histoire
des œuvres, de leur création et de leur réception,
pendant les périodes antique et moderne.
Le sous-titre théorie rhétorique des styles
appliquée aux arts, à l'évidence, simplifie un
peu la réalité historique. Dans l'Antiquité, les
applications des théories stylistiques aux arts ont en effet
été formulées aussi bien dans des textes de
rhétorique que dans des sources poétiques. Pour la
période moderne, parler des théories stylistiques invite
à envisager la réception de Virgile et d'Horace,
plutôt que la fortune de Cicéron ou Quintilien. Cette place
de la tradition poétique aux côtés de la tradition
rhétorique, nous avons choisi de la distiller dans le titre
L'Héroïque et le Champêtre, couple
d'antagonistes que nous avons préféré à
style haut/style bas ou atticisme/asianisme, qui auraient pour leur part
refermé la question sur la seule rhétorique. En parlant
d'Héroïque et de Champêtre, nous invitons
à réfléchir sur les liens entre classifications
stylistiques et classifications génériques, entre style et
sujets.
Dernier volet de l'explication de notre titre : Entre modèle
analytique et schème explicatif. Les catégories
stylistiques sont en premier lieu une taxinomie, une classification des
pratiques artistiques dans leur diversité, au départ sans
jugement de valeur particulier. Mais il convient d'explorer la
finalité du recours aux catégories stylistiques. Plus que
de qualifier, il s'agit souvent d'opposer, étant entendu que,
derrière l'opposition, il y a souvent une
préférence. Plus que de classer, l'enjeu peut être
de déclasser. Et c'est toute la force de la structure bipolaire,
si on la retient. Mais on peut aussi chercher à réduire
l'opposition assez brutale provoquée par la
bi-polarité, soit en inventant un troisième terme (un
composé, un hybride, un troisième style), soit en
promouvant un nouveau style supposé les dépasser tous (la
question du sublime). [MCLB]
(colloque international: Lyon, ENS Lyon,
10-11 juin 2010; responsables scientifiques:
C. Cusset, N. Le Meur-Weissman, F. Levin)
À l'époque hellénistique, les mythes traditionnels
sont investis d'un nouveau rôle qui diffère de celui qui
était le leur dans l'épopée homérique ou
chez les Tragiques de l'époque classique en ceci que leur usage
est dès lors intimement lié aux instances du pouvoir. Pour
les
nouvelles monarchies issues du royaume d'Alexandre, l'ensemble des
mythes devient en effet un creuset où vont se puiser les
justifications
d'une nouvelle conception et d'un nouveau mode d'exercice du pouvoir.
Les images et les récits mythologiques empruntés à
la tradition deviennent les outils de la construction de nouveaux
panthéons dynastiques et servent à affirmer
l'étendue des pouvoirs monarchiques et impériaux. Les
exemples de cet usage des mythes par le pouvoir sont nombreux : pour ne
prendre en considération que le cas de l'égypte lagide, on
songe aux reines ptolémaïques qui, divinisées, ont
leur place dans les sanctuaires aux côtés des
déesses traditionnelles comme Aphrodite ou Héra, aux
figures d'Héraclès et de Dionysos qui servent de doubles
divins
aux monarques en place, ou encore aux manifestations publiques du
pouvoir ptolémaïque que sont les Ptolémaia et
dont la grande pompe revêt les aspects d'une procession
dionysiaque. Ce faisant, les monarques
hellénistiques ont imprimé leurs marques sur ce qui
constitue l'un des matériaux essentiels des artistes, qu'ils
soient poètes, sculpteurs ou peintres : les figures et
récits
mythologiques sont à présent marqués du sceau des
représentations monarchiques et nul artiste de l'époque
hellénistique ne peut l'ignorer. L'usage des mythes par les
artistes devient un véritable positionnement politique. Or, ce
positionnement ne saurait être univoque puisqu'il peut s'agir,
pour ceux qui s'en saisissent, de faire la promotion du pouvoir en
place, mais aussi de servir l'élaboration d'un discours plus
critique. Les artistes de l'époque hellénistique, dans
l'usage qu'ils font des mythes, ne cessent de nous porter de la rive de
l'éloge à celle de l'irrévérence.
L'enjeu de notre colloque sera le suivant : considérant la
mythologie comme un point crucial, en ce qu'elle constitue la source
commune où s'abreuvent les artistes et le pouvoir, il s'agira de
confronter les visées politiques des monarques aux discours des
poètes et aux images des peintres et des sculpteurs. Les
vingt-quatre
intervenants se poseront cette double question de la nouvelle place
qu'occupent les mythes dans les instances du pouvoir et de leur usage
par les artistes en s'attachant aux caractères typiquement
hellénistiques de ces traitements que sont l'innovation, la
variation et les jeux d'érudition. Notre colloque proposera de
suivre trois pistes: la première questionnera les modes de
représentations des figures mythologiques (Hélène,
Héra, Ménélas, Dionysos, Héraclès) et
les
significations qui s'y font jour. La seconde considérera la
mention des différents espaces géographiques et des
différentes peuplades (Thrace, Libye, Egypte, Thessalie etc.)
comme supports de mythes dont les enjeux sont ceux des
définitions identitaires, particulièrement sensibles
à une
époque où les monarques gouvernent des populations
multi-éthniques. La dernière voie sera celle de la
réception de ces mythes et de leur usage politique à
l'époque de la Rome impériale.
Des mythes comme source d'inspiration, mode de représentation et
forme de discours politique au pouvoir comme mythologie : tel sera le
chemin sur lequel nous nous proposons d'emmener les acteurs,
intervenants et auditeurs, de ce colloque international. [CC]
(colloque international: Paris, ENS Ulm/INHA, 19-20 novembre
2010;
responsables scientifiques: M. Mahé, V. Naas)
Douris de Samos (env. 340 - 280 av. J.-C.), polygraphe, est l'auteur
d'ouvrages relevant de la critique littéraire, de l'histoire de
l'art (Sur la toreutique, Sur la zographia), sans doute de
la musicologie, et surtout de livres historiques. Il reste 96 fragments
de son œuvre, essentiellement tirés de ses textes
historiographiques.
Le naufrage presque total de l'œuvre de Douris a longtemps
obscurci la
place qu'il a occupée dans la tradition historiographique, mais
les jugements opposés qu'il suscite laissent à penser
qu'il était non seulement lu et commenté à
l'époque d'Auguste, mais qu'il a influencé
l'historiographie issue des traditions hellénistiques. La
perception de la personnalité de Douris dans l'histoire
littéraire et dans l'encyclopédisme antique est l'un des
angles d'approche qui doivent être retenus dans cette
journée d'étude.
Il est vu, à partir d'un jugement de Plutarque, comme le
représentant de l'«histoire tragique», adepte, contre
Théopompe et éphore, de la mimesis comme principe
fondamental de l'esthétique historiographique, ce que semble
confirmer un passage d'une lettre de Cicéron adressée
à Luccéius: la scène historique semble en effet
traitée comme une scène de théâtre, oà
agissent des personnages bien caractérisés. C'est aussi un
des points que cette journée d'étude aimerait examiner
particulièrement: dans quelle mesure, d'après les
témoignages et les fragments de Douris, transpose-t-il dans
l'historiographie la notion aristotélicienne de mimesis
dramatique? Qu'est-ce exactement que la zographia à
laquelle Douris avait consacré un traité? Le débat
plus général de la nature de l'historiographie
hellénistique est en jeu dans cette question.
La question de l'utilisation de Douris par Diodore de Sicile, pour qui
le Samien est une source fondamentale dans les livres XVIII à XXI
(Histoire d'Agathocle) mérite également
d'être reprise: l'autre grande autorité pour cette section
est Timée de Tauroménion, et le poids respectifs des deux
historiens est l'objet de divergences. La mise en évidence de
traits stylistiques propres à Douris pourrait permettre de
réexaminer la question. Son autorité d'historien, ses
intérêts ethnographiques doivent être pris en compte.
Enfin, il peut être utile de reprendre le dossier de la
présence de notices de Douris chez Tite-Live, du regard critique
que porte l'historien augustéen sur l'historien
hellénistique; plus généralement, à partir
de l'étude du cas de Douris, le tribut de l'historiographie
augustéenne à l'égard de l'histoire
non-annalistique et des auteurs hellénistiques en particulier
peut être mieux mis en évidence.
Depuis la publication de ses fragments par Hulleman en 1841, Douris a
fait l'objet de plusieurs études (P. Pédech, S. Kebric, N.
Consolo Langher, et surtout, plus récemment, la monographie
très approfondie de F. Landucci Gattinoni en 1997). Cependant,
certains aspects de l'œuvre, mais aussi son contexte, et plus
largement
les enjeux historiques, historiographiques et esthétiques dont
elle témoigne mériteraient d'être de nouveau
examinés. C'est le but de ce colloque, qui réunira
à la fois les spécialistes actuels de Douris et ceux qui
s'intéressent davantage à son influence et à sa
réception.