« [t. I, p. 685] [juillet 1390] Le roi Charles était allé passer quelques jours avec la reine au château de Saint-Germain-en-Laye ; vers le milieu du mois de juillet, à l’heure où l’on célébrait la messe en présence du roi, et où le conseil était assemblé pour délibérer sur l’établissement de nouveaux subsides, un accident imprévu frappa tout le monde de terreur. Le temps était serein, et l’on n’apercevait pas le moindre nuage. Tout à coup, le ciel s’obscurcit et se couvrit, au-dessus de la maison royale et dans une étendue de plus d’un mille, d’épaisses ténèbres que sillonnait de temps en temps la lueur des éclairs ; les bruyants éclats de tonnerre retentirent de tous côtés, et la foudre tomba avec tant de fracas que la maison royale parut sur le point de s’écrouler. Le vent souffla avec une [p. 686] telle violence qu’il arracha de leurs gonds les fenêtres des chambres, et brisa les vitres de la chapelle de la Reine ; les éclats en rejaillirent jusque sur l’autel. Il fallut achever promptement et à voix basse le reste de la messe, de feu que l’hostie consacrée ne fut enlevée des mains du prêtre.
Tant que dura cet orage effroyable, tous ceux qui se trouvaient là n’osaient, dans leur épouvante, lever les yeux, et restaient prosternés à terre. Le conseil même, qui s’était réuni pour délibérer sur les impôts, se sépara ; et sur les instantes de la Reine, qui était près d’accoucher, le Roi défendit peu après de remettre cette affaire en discussion. La Reine en effet était allée trouver le Roi toute tremblante et lui avait assuré que l’oppression du peuple était la cause de ce bouleversement de la nature.
Pendant cet orage, le vent déracina, dit-on, les plus grands arbres de la forêt voisine. Quatre officiers de la cour furent frappés de la foudre, entre Saint-Germain et Poissy ; tous leurs os furent consumés, leur peau seule resta intacte, mais elle était devenue noire comme du charbon.
[…]
[t. II, p. 15] [15 juillet 1392] Déjà les laïques, et surtout les seigneurs de la cour, refusaient de comparaître en justice devant l’Université, malgré ses privilèges, et l’on forçait ses suppôts à payer les contributions. Les docteurs et les professeurs tinrent, suivant l’usage, une grande assemblée pour délibérer sur ces excès, et résolurent d’un commun accord de porter plainte au Roi le jour de la fête de la Trinité. Ils ne purent d’abord obtenir audience ; ils se décidèrent alors, d’après l’avis des conseillers du Roi, à lui présenter une copie de leurs privilèges ; ce qu’ils firent plusieurs fois. Mais voyant l’inutilité de leurs démarches, ils suspendirent leurs leçons et tous les actes des écoles. Cette suspension fit partir de la capitale plusieurs clercs étrangers. Il y eut alors une seconde assemblée, et sur la nouvelle que le roi allait bientôt quitter Paris, le vénérable recteur et vingt députés d’un savoir éminent se rendirent le 15 juillet à Saint-Germain-en-Laye, où il se trouvait, et demandèrent instamment une audience. Le Roi, cédant à de mauvais conseils, la leur refusa encore ; mais enfin il leur accorda leur demande, à la requête de quelques seigneurs de sa cour, qui l’en supplièrent cinq fois à genoux, en lui représentant que cette affaire intéressait l’honneur de sa Couronne. Messire Bureau de la Rivière, le connétable et le sire de Noviant s’étaient rendus leurs principaux intercesseurs. Ce n’était pas qu’ils eussent changé de sentiments ; mais ils avaient d’autres projets. Ils firent en sorte qu’on n’accordât point la parole aux députés, dans la crainte qu’ils ne portassent quelque atteinte à leur crédit ou à l’autorité du roi. Ils savaient de bonne part que les docteurs de l’Université avaient déjà curieusement recherché l’origine et discuté les droits de l’autorité royale sur le clergé, et songeaient à les empêcher de faire entendre les raisons qu’ils pouvaient alléguer à l’appui de leurs propositions. [p. 47] Aussi, dès qu’ils eurent offert au roi l’hommage de leurs salutations, et avant que le docteur en théologie chargé de porter la parole eut ouvert la bouche, le chancelier s’exprima ainsi : « Notre sire le Roi sait fort bien le sujet qui vous amène ; il vous accorde volontiers ce que vous demandez, et vous l’aurait déjà accordé s’il avait lu plus tôt la teneur de vos privilèges ». Après cela, le Roi leur reprocha avec bonté d’avoir suspendu si longtemps leurs leçons, et leur enjoignit de les reprendre. Ils le lui promirent, et partirent ainsi très satisfaits.
[…]
[p. 97] [1393] Pleins d’espoir et forts de leurs bonnes intentions, ils envoyèrent en députation auprès du Roi, qui était alors à Saint-Germain-en-Laye, le recteur et les principaux professeurs des quatre facultés. Le Roi avait auprès de lui un grand nombre d’illustres barons, entre autres les maréchaux et l’amiral de France, et plusieurs princes du sang, parmi lesquels on distinguait le duc d’Orléans, son frère, et ses oncles les ducs de Bourbon, de Berri et de Bourgogne.
Les députés demandèrent et obtinrent une audience. L’un d’entre eux, qui était docteur en théologie, prit la parole, et commença par remercier Dieu de la guérison du Roi. Il déclara que, si le Seigneur avait enfin daigné exaucer les vœux et les supplications de la France, s’il avait entendu les prières des habitants du royaume, c’était pour que le Roi pût désormais veiller aux intérêts de son peuple et de la sainte Eglise catholique. Il maudit ensuite l’exécrable schisme, et fit un éloquent tableau des malheurs enfantés par ce fléau, dont on ne connaissait que trop bien les suites funestes. Il rappela qu’à l’occasion de ce schisme, le mode depuis longtemps malheureux, marchant sur une pente dangereuse et entraîné vers le mal, avait mis de côté tout respect de Dieu et des hommes, s’attachait à ce qui lui était nuisible, et évitait ce qui lui était salutaire. Après avoir présenté toutes ces considérations avec un talent remarquable, il termina en suppliant le Roi, de la part de l’Université, sa fille bien aimée, de travailler au plus tôt à déraciner le schisme. Il lui prouva jusqu’à la dernière évidence que c’était un devoir pour lui, s’il ne voulait pas perdre le titre de Roi très chrétien.
Le duc de Berri était, en vertu de son droit d’aînesse, celui des princes [p. 99] du sang qui devait porter la parole au nom du Roi. Aussi les députés n’étaient-ils pas sans inquiétude ; car le duc avait toujours été le champion le plus zélé du pape Clément. Mais leurs craintes cessèrent lorsqu’ils entendirent répondre à peu près ces termes : « Nous pensions que la durée si prolongée de cet exécrable schisme est une tache pour le Roi et pour sa royale famille. Puisque tout le monde en est également fatigué, cherchez un moyen d’y mettre un terme pour l’honneur du royaume. Si vous proposez une voie qui reçoive l’approbation du Conseil, soyez sûrs que nous nous empresserons de la mettre à exécution.
La maison royale de France n’avait point paru jusqu’alors très zélée pour le rétablissement de l’union. Les députés de l’Université adressèrent mille remerciements au Roi et à l’assemblée, et après avoir pris congé d’eux, ils retournèrent pleins de joie vers leurs collègues pour leur faire part de ce qu’ils avaient obtenu.
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[t. III, p. 283] [juillet 1405] La Reine et le duc d’Orléans, qui étaient alors à Saint-Germain-en-Laye, apprirent avec un juste étonnement ce qui venait d’arriver. Ils rendirent grâce à Dieu non seulement d’avoir sauvé le Dauphin, mais encore de les avoir la veille délivrés eux-mêmes d’un grand danger. Je crois devoir faire connaître ici les circonstances de cet autre accident. Ils étaient sortis tous deux pour faire une promenade dans la forêt voisine lorsqu’un orage, accompagné de violents coups de vent et de torrents de pluie, força le duc à se réfugier dans la voiture de la Reine. Les chevaux, effrayés par le mauvais temps, s’emportèrent et se dirigèrent rapidement vers la Seine, malgré les efforts de leurs conducteurs. Ils s’y seraient précipité avec la voiture si le cocher n’eût coupé les traits en toute hâte ».
[…]
[t. VI, p. 119] Le duc de Bourgogne, considérant ces dispositions, ou plutôt, si je dois m’en rapporter à ce que ses gens m’ont assuré depuis, craignant d’encourir le courroux de saint Denys, le patron particulier de la France, en faisant quelque tentative contre l’abbaye où étaient déposées les corps des rois de France, dont il se glorifiait de tirer son origine, rebroussa chemin, d’après l’avis de ses principaux chevaliers, et aller occuper, sans rencontrer d’obstacle, la résidence royale de Saint-Germain-en-Laye. Il y mit garnison et s’empara le lendemain, sans coup férir, du pont de Poissy construit sur la Seine. Il alla ensuite visiter dans la royale abbaye de religieuses, qui était près de là, madame Marie, fille du Roi, sa cousine, qui avait pris le voile. Il lui présenta ses compliments respectueux, lui donna le baiser de paix et dîna avec elle. »